Du transfert monétaire, pour plus de cinq mille familles touchées par les conflits en Ituri
D’zuve Nyamanja Marienne fait partie de plus de dix mille personnes qui ont récemment fui les attaques de groupes armés non étatiques dans les localités de Musekere, Gobu et Tembela en août et septembre 2023. Ces villages sont situés dans le territoire de Djugu en province de l’Ituri. Elle se rappelle le calvaire et la frustration vécus avant de pouvoir se mettre à l’abri des attaques qui ont causé la mort de 8 personnes, dans cette zone instable de l’est de la République Démocratique du Congo.
Alors qu’elle venait de bien amorcer la semaine avec ses activités d’agriculture et de ménage, Marienne dormait seule dans sa chambre et ses 4 enfants étaient dans une pièce voisine. Avant l’aube, le rêve de Marienne est interrompu par des crépitements de balles : « Les assaillants ont été entendus dans le village autour de 4h00 et de manière impromptue, j’étais forcée de fuir » raconte-t-elle. La réalité géographique du village de Marienne est embarrassante au moment où il faut sauver sa peau « C’était un calvaire, du vrai calvaire… Je ne savais pas comment fuir. Derrière nous, est dressée une montagne, devant il y a un lac et des grosses pierres sont sur les côtés. Une unique voie de sortie c’est le lac et il faut avoir de la place dans une pirogue », explique Marienne, inclinant la tête contre son épaule droite. Marienne, ses 4 enfants et quelques autres familles voisines sont conduits vers Tchomia par une pirogue (sans moteur) qui dure deux jours de navigation avec une nuit de repos dans un village [situé sur un îlot] sur les côtes du lac Albert.
La province de l’Ituri, dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), connaît régulièrement des attaques de ce genre. Tous les jours, la population civile doit composer avec l'activisme des groupes armés et les opérations militaires des forces régulières.
Lutter pour la survie
Abandonné par son mari depuis quatre années, Marienne se débrouille seule pour nourrir et scolariser ses 4 enfants, mais à cause des violences armées elle a dû laisser tous ses biens à Musekere, dont ses produits champêtres, ses meubles et les articles de base de son ménage « aujourd’hui, même le vêtement que je porte m’a été offert », dit-elle, ajoutant que ses enfants n’ont pas accès à l’éducation dans leur zone d’accueil.
A Tchomia, elle a eu la chance d’être accueillie par l’autorité locale qui lui a trouvé la place dans une maison inhabitée pour l’abriter avec ses enfants :« au lendemain de mon arrivée le chef des dix maisons m’a montré cette maison ». Mais pour survivre avec ses enfants, dans la peine, elle doit se trouver un nouveau travail « chaque jour je me rends au lac puiser de l’eau pour la revendre aux habitants qui en ont besoin », insinue Marienne, qui ajoute : « pourvue que je gagne un peu d’argent pour pouvoir nourrir mes enfants et acheter du savon ».
Soulagement rapide des familles sous le choc
À la suite de l’alerte de la coordination des réponses humanitaires en RDC du 16 septembre 2023, Mercy Corps dans le cadre du consortium SAFER (Assistance stratégique pour la réponse d’urgence en RDC) financé par l’Union Européenne à travers l’agence d’aide humanitaire (ECHO), a dépêché son équipe d’urgence pour conduire une évaluation rapide multisectorielle à Tchomia. Cette évaluation a révélé les besoins variés dans 5 aires de santés de la zone de santé de Tchomia, dont « des besoins alimentaires, des besoins en articles ménagers essentiels, des besoins de vêtements et des besoins en eau », explique Alain Guel Babou, Gestionnaire des programmes de sécurité alimentaire de Mercy Corps. Alain ajoute que « les capacités de transfert monétaire ont été analysées et ont conduit à l’enregistrement de plus de Cinq mille ménages » précise Alain, expliquant que dans cette intervention le nombre des membres du ménage a déterminé le montant de l’aide « les ménages de la taille 1 à 5 reçoivent 105 dollars et ceux de la taille 6 et plus reçoivent 165 dollars américains ».
Marienne a été enregistrée dans l’aire de santé de Nyankova, et aujourd’hui elle a reçu du CASH pour améliorer la qualité alimentaire dans son ménage. « Depuis que je suis dans ce village, c’est la première fois que je suis assistée. L’argent reçu de Mercy Corps va beaucoup me servir » se réjouit Marienne. Elle est contente qu’elle va pouvoir diversifier la recette pour ses enfants « ils vont manger du poisson et des pommes de terre » insiste -t-elle, exprimant la joie de pouvoir couvrir d’autres besoins pour sa famille.
Lorsque les personnes sont poussées à fuir leurs demeures, elles perdent toujours leurs effets vitaux. Sur le site de distribution, l'engouement est certain. Avant de passer la table d’émargement, plusieurs participants pensent que l’assistance va se terminer avant d'être servis.
Il ya seulement trois mois, Rachel Kahambu était une référence parmi les jeunes femmes de Gobu, dans groupement de Walendu Petsi où son commerce de poisson était florissant jusqu’à cette nuit où tout a basculé “ j’ai dû tout abandonner et partir avec seulement mes enfants et mon mari” se rappelle-t-elle. L’aide reçue à Tchomia constitue une source de nouvel espoir pour Rachel, ses enfants et son mari désoeuvré “ je vais pouvoir démarrer un commerce ici à Tchomia et payer des habits et de la nourriture pour mon ménage” lâche-t-elle avec un ton plein d’espoir.
Djugu et Irumu, territoires aux défis multiples
Selon un rapport de la Coordination humanitaire sorti en octobre 2023, au moins 48 civils ont été tués au cours de la deuxième quinzaine de septembre à la suite d’une série d’incursions des éléments de groupes armés dans plusieurs villages et axes dans le territoire d’Irumu et les opérations militaires dans le territoire de Djugu, entraînant des nouveaux mouvements de la population dans différentes zones. « Notre réponse [rapide] était consécutive à l’alerte émise le 16 septembre 2023. Mais pendant que nous conduisions les enregistrements, nous avons constaté des nouveaux déplacés, arriver dans la zone, mais qui ne sont malheureusement pas pris en charge par l’intervention en cours » déplore Alain Guel qui croit que l’intensification de la réponse dans cette zone serait laudative pour soulager les multitudes de personnes qui vivent dans des conditions difficiles. A Tchomia, en plus du transfert monétaire, l’équipe de Mercy Corps a lancé les travaux de forage pour faciliter l’accès à l’eau potable à ces milliers de déplacés internes exposés aux risques d’attraper des maladies d’origines hydriques ainsi que leurs communautés d’accueil.
A propos du projet
Cette aide a été rendue possible grâce au soutien généreux de l’Union européenne à travers le projet SAFER : Assistance stratégique pour la réponse d'urgence en RDC. Financé par le Foreign, Commonwealth & Development Office (FCDO), de juin 2023 à mai 2024 en tant que consortium de cinq membres avec Mercy Corps comme chef de file.
Le Consortium SAFER : Mercy Corps, Acted, Concern Worldwide, le Conseil Norvégien pour les Réfugiés et Solidarités International fournissent une réponse d'urgence humanitaire coordonnée aux ménages touchés par le conflit (déplacés, retournés et vulnérables des familles d'accueils) par le biais d'une aide d'urgence multisectorielle, y compris l'assistance monétaire à usages multiples (MPCA) et l’eau, l’hygiène et l’assainissement (WaSH). En 2023, les partenaires SAFER ont touché près de 1 millions de personnes, en ciblant les ménages les plus vulnérables, parmi les déplacés, les retournés et leurs hôtes.