Une vie humanitaire née du déplacement

Mercy Corps employee speaks with community member.
08 Mars 2019

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Au début de sa carrière, Odette voulait devenir enseignante. 

Après avoir passé plusieurs années dans l'enseignement au niveau de l’école secondaire, Odette a voulu changer de carrière, c'est ainsi qu'elle a quitté l’enseignement pour joindre le secteur humanitaire.

Elle s'est lancée dans un tout nouveau cheminement de carrière et a passé les douze dernières années à travailler pour des organisations humanitaires. Elle travaille pour Mercy Corps en République Démocratique du Congo (RDC) depuis plus de trois ans maintenant.

En tant que directrice de l'équipe de communications, Odette se rend sur terrain, dans différentes zones où travaille Mercy Corps pour collecter des témoignages et des informations sur nos activités.

Elle comprend mieux les réalités auxquelles elle est confrontées au quotidien, car ayant vécu elle-même cette vie de déplacée dans son propre pays, il y a de cela 20 ans. « Cette situation met les gens dans des conditions difficiles où ils manquent presque de tout.  La plupart de temps, lorsqu’ils fuient,  ils laissent tout derrière eux », affirme Odette.

La région de l’Est de la RDC a connu deux décennies de guerre et de conflit. Cette situation a forcé un grand nombre des personnes à fuir leurs maisons, laissant tout derrière elles. 

Congolese community members sitting outside in colorful clothing, smiling.
Joséphine Nzalamingi, 73 ans, a fui la ville de Beni/Nord-Kivu après de nombreuses attaques contre son quartier. Elle fait partie de ces 5,5 millions de personnes déplacées en RDC, mars 2021

Tout perdre à cause du déplacement

En 1996, pendant ce que l'on appelle aujourd'hui la première guerre de la RD Congo, Odette a dû fuir sa ville natale, Bukavu, pour sauver sa vie et celle de sa famille. Lorsque la guerre a pris fin, Odette est retournée chez elle à Bukavu. Elle décide finalement de s’installer à Goma, dans la province du Nord-Kivu, toujours à l’Est de la RDC.

Quatre ans après, c’est l’éruption volcanique qui contraint Odette à se déplacer de nouveau, cette fois-ci pour le Rwanda, un pays qui partage ses frontières avec la ville de Goma.

Aujourd'hui encore, les habitants de certaines villes et villages de l’Est de la RDC fuient leurs maisons laissant tout derrière eux. En Mars 2021, plus de 5,5 millions de personnes sont déplacées. Une personne vivant dans les zones de conflits peut se déplacer en moyenne de cinq fois dans sa vie, soit à cause de la violence ou encore suite à une catastrophe naturelle. En conséquence, la RDC est confrontée à la plus grande crise de mouvement de population de toute l'Afrique.
 
Odette était sur le point d'être déplacée pour la deuxième fois.

Au début de l’éruption, Odette n’y croit pas encore. Elle est hésitante. Elle sous-estime la gravité de la catastrophe. C’est sur insistance d’enfants et face au danger imminent qu’elle acceptera enfin de tout abandonner encore une fois et d’aller, malgré elle, vers l’inconnu accompagnée de sa maman et ses 3 enfants.  

« Nous sommes partis, sans rien prendre de précieux. Nous avons juste pris nos papiers académiques et scolaires de nos enfants », raconte-t-elle pensive. « Le volcan avait déjà commencé à apporter de la fumée et des cendres et nous avons donc dû quitter cet endroit ». 

C’est une fois arrivés sur une colline au Rwanda qu'Odette a pu constater les dégâts que le volcan avait causés à sa ville. 

C’est une fois arrivé sur une colline au Rwanda, qu’Odette réalise qu’elle est devenue réfugiée. Triste et sans abri, elle contemple sous un arbre qui leur sert de maison, les dégâts causés par le volcan dans sa ville. Elle apprendra ensuite par ses voisins retournés à Goma sous les laves fûmantes que sa maison ainsi que tous ses biens ont été emportés par le volcan. 

« Et c'est à ce moment que nous avons réalisé que nous avions tout perdu. Seule nos vies ont été épargnées. Et c'est à ce moment que nous avons appris ce que signifie que d'avoir faim parce que nous n'avions rien à manger », dit Odette « Et c'est là que j'ai compris quand les gens qui fuient disent qu'ils n'ont rien; cela m'a aidé à comprendre ce qu'ils veulent dire ».

« Un monde uni est possible »

A woman in a mercy corps hat and vest addresses a crowd of people gathered in dr congo
Odette (à gauche) en visite à Walungu, en RDC participant à la distribution de bons d'achat aux familles déplacées comme celle de Ruhune (au centre). Lorsque Mercy Corps reçoit la nouvelle d'un mouvement de déplacement, les membres de l'équipe de terrain sont déployés sur le terrain pour une ou deux semaines et prêts à apporter l’assistance dans les 30 jours.

De cette expérience personnelle, Odette a tiré sa passion pour l'aide humanitaire. Elle comprend mieux  ce que vivent d'innombrables personnes déplacées dans le pays et dans le monde entier.

Odette passe ses heures libres à cuisiner ou avec ses enfants et ses amis. Ses valeurs humanitaires transparaissent, même en dehors du bureau où Odette s'entoure de personnes qui ont les mêmes idéaux et les mêmes espoirs qu'elle - des personnes qui pensent comme elle « qu'un monde uni est possible ».

Elle s’investit dans l’éducation de masse et apprend aux jeunes les valeurs telles que l’amour, le partage, le pardon et l’unité. Elle a la nostalgie de la stabilité qu’a connue la RDC avant les guerres et conflits. Elle rêve d’un Congo où la population vivrait en paix, pendant longtemps sans devoir se déplacer. Un Congo où les enfants peuvent grandir dans la joie de garder leurs amis pendant longtemps sans devoir être obligés de les quitter pour fuir les atrocités  des guerres ou encore les catastrophes naturelles. 

« Mon rêve... c'est de voir toute la RDC en paix. Que les gens vivent là où ils veulent », dit Odette. « "Pour moi, la paix, c'est que les gens ne soient pas obligés de fuir à tout moment, laissant leur famille, leurs amis et tout ce qu'ils ont ».


English version:

A humanitarian life born from displacement

When she first set off on her career path, Odette planned on being a teacher.

After spending a number of years teaching secondary school, Odette wanted a change and subsequently changed careers — from education to working in the humanitarian sector.

She embarked on a brand new career path and has spent the past 12 years working for humanitarian aid groups. She's been with Mercy Corps for two years now.

As the director of the communications team in the Democratic Republic of Congo (DRC), Odette travels to different field team bases where Mercy Corps is working to get documentation and gather information on people's activities.

Two decades of ongoing conflict in the Eastern region has resulted in large numbers of people being forced to flee their homes, leaving everything behind as they seek safety and basic necessities like food and water.

"And this situation puts people in a situation in which they lack almost everything because most of the time when they flee, they flee with almost nothing," Odette says.

The needs of displaced people are not a far-removed issue for Odette. Just over 20 years ago, she was in the same situation as the people she now spends her days helping.

Losing everything to displacement

In 1996, during what is now referred to as the First Congo War, Odette had to flee her home to escape an attack on her hometown. The war eventually ended, Odette returned to her home in Bukavu and eventually moved to Goma.

Four years after she first had to flee her home, disaster and displacement struck again. This time, in the form of a volcano.

Even now, people in the DRC are fleeing their homes and leaving everything behind. Displacement rates are high. As of August 2018, more than 4.5 million people were displaced. As a result, the DRC is facing the largest displacement crisis in all of Africa.

On average, whether from violence or a natural disaster, someone living in the DRC will be displaced five times in their life.

Odette was about to be displaced for the second time.

When the volcano erupted, she underestimated the severity of the disaster, but after her children ran to her saying they had to leave, they did. Leaving her home, belongings and almost everything else behind, Odette, her children and her elderly mother were displaced once more.

"And that's [why] we left, without taking anything precious, we just took our school certificates and children's certificates," she says. "The volcano had already started bringing smoke and ashes and so we had to leave that place."

It wasn't until they got to a mountain in Rwanda that Odette could see just how much damage the volcano had done to her town. Now, they were refugees.

Without any kind of shelter, Odette and her children spent the next day taking refuge under a tree. Odette called neighbors and friends who were going back to Goma to assess the damage. That's when she learned her home — along with all of her and her family's belongings — were gone.

"...that's when we learned that our house had been destroyed by the lava," Odette says.

In that moment, it all became clear for her just what being displaced truly meant.

"And that's when we realized we had lost all, it was only our life that we were able to save. And that's when we learned what it was like to be hungry because we had nothing, we had nothing to eat," Odette says.

"And that is when I understood when people who are fleeing say they have nothing; it has helped me to understand what they mean."

"A united world is possible"

From this personal experience, Odette found her passion for helping others, specifically those who are displaced by emergencies. She knows what countless displaced people across the country and across the world are going through.

"And this situation ... reminds me of my past, my past life, my past experiences," Odette says.

Since beginning a new career path after leaving education, Odette has been assisting those who are standing in the shoes she once stood in herself.

When she's not working with Mercy Corps, Odette spends her time cooking, or with her children and friends. Her humanitarian values shine through, even outside of the office, where Odette surrounds herself with people who have the same ideals and hopes as she does — people who also "believe that a united world is possible."

Odette and her friends have exercises they do at the local community center. Their focus is to promote togetherness and live peacefully despite their differences. Even the neighborhood children are involved.

"We start with little ones, even up to small children where they are playing football and we show them how they can forgive the other and how they can play together, play with each other," Odette says.

Odette remembers a different DRC than the one she lives in today. A peaceful, stable country where people could build a home and live for a long period of time without fear of displacement.

"When there was peace we could keep friends for five or seven years and all studying in the same place without having to move," Odette says. "Peace to me gave us the opportunity to study, to live and even to move, because I remember we could travel even in the nights."

This is the version of the DRC that Odette wants to see in the future. She wants peace.

"My dream ... is to see the whole country having peace. And what it means for me to have peace is for people to live where they want to live," Odette says. "Peace to me is for people to ... not have to be forced every time to flee, leaving their family, their friends and all what they have."