Mangiva : Rétablissement progressif de la paix, par le dialogue communautaire.

Pendant plus de quatre ans, le village de Mangiva, situé dans le groupement de Bandiamuso en chefferie de Basili (territoire d’Irumu, Ituri), a vécu au rythme d’un conflit silencieux mais destructeur. Ce qui avait commencé par de simples litiges liés aux dégâts causés par du bétail dans les champs a fini par plonger la communauté dans un cycle de violence, de méfiance et de morts.
« Ce conflit a commencé comme une blague », se souvient Steve Kagwahabi Takumara, vétérinaire au pâturage collectif de Ndemule. « D’abord, des vaches qui ravageaient les cultures… puis, les agriculteurs se sont mis à blesser ou à confisquer les bêtes. C’est ainsi que tout a dégénéré », explique Mr. Steve.
Au fil des mois, les tensions sont devenues inquiétantes : Les éleveurs ne mettaient plus pied à Mangiva, et la peur s’était installée dans les foyers. Mugisa Kanyoro Augustin, éleveur, en garde un souvenir amer : « on se voyait comme des ennemis. Nous ne pouvions plus accéder à certains espaces, la violence avait pris le dessus ».
C’est dans ce contexte tendu que le Programme de Stabilisation Réactive par la Transition (RESET), financé par le Bureau des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement (FCDO), du Royaume-Uni, a fait son entrée à travers l’organisation Action pour la Paix et la Concorde (APC). Avec patience et méthode, APC a engagé la communauté dans un processus de dialogue inclusif pour reconstruire la confiance.
Au cœur de cette démarche : L’écoute, la médiation et la participation des deux parties. Du 27 au 28 juin 2025, un atelier de médiation a permis de réunir, pour la première fois depuis longtemps, agriculteurs et éleveurs autour d’une même table.
« Ils ont identifié ensemble leurs différends et défini une feuille de route pour tourner la page. Parmi les actions prioritaires définies, la délimitation du pâturage collectif de Ndemule et l’organisation de rencontres pour renforcer la cohabitation », détaille Jean-Claude Katsuva, chargé de suivi et évaluation chez APC.

Ce processus n’a pas seulement permis d’ouvrir le dialogue. Il a surtout transformé des cœurs. Wiergiu Jonas, agriculteur de Mangiva, confie : « j’ai compris qu’on peut gérer les conflits autrement que par la violence. Grâce aux formations d’APC, j’ai appris à dialoguer, à écouter, à pardonner. Ces assises nous ont permis de parler avec franchise ».
La confiance renaît doucement. Le centre de Mangiva, longtemps déserté par les éleveurs, a accueilli une activité conjointe de réconciliation du 04 au 05 juillet, symbole fort du changement en cours. Machozi Furaha, mère de famille, y a participé : « je suis très contente. Ces activités nous ont permis de parler de nos différends et de trouver des solutions pour la tranquilité ».
Aujourd’hui, un vent d’espoir souffle sur Mangiva. Les anciens adversaires se croisent à nouveau sans crainte. Les échanges reprennent.
Le chef du groupement Bandiamuso, Mr Asumani Nicolas considère cela comme une véritable opportunité : « Aujourd’hui, grâce aux dialogues organisés par APC, les responsabilités ont été reconnues, les excuses présentées. Et surtout, la paix est en train de renaitre (…) aujourd’hui, les habitants espèrent à la réouverture du marché local de Mangiva pour renforcer cette unité retrouvée ».
Au fil des mots échangés, des regards croisés, des mains tendues, ce village, autrefois fracturé par des rancunes silencieuses, redécouvre aujourd’hui le goût du vivre ensemble. Les champs refleurissent, les pâturages s’ouvrent, et les voix s’élèvent non plus pour accuser, mais pour dialoguer.
Ce renouveau n’est pas une fin en soi, mais un point de départ. Il rappelle que la paix véritable ne réside pas seulement dans l’absence de conflit, mais dans la capacité des communautés à se parler, à se comprendre, à construire ensemble. Grâce au programme RESET et à l’engagement d’APC, Mangiva devient un symbole : celui d’une réconciliation possible, même là où tout semblait perdu.
A propos du programme
Le programme RESET est une initiative triennale qui vise le renforcement de la paix et de la stabilité locale dans l’Est de la RDC, particulièrement à Irumu (Ituri) et à Beni (Nord-Kivu). Ce programme est mis en œuvre par un consortium de six organisations dont APC, OIM, Justice Plus, CORACON, SOFEPADI et Mercy Corps qui en assure le lead.