Leçons apprises de la participation inclusive des parties prenantes du secteur de l'eau dans la fourniture de services

Espérance Dusabe on the left and Kanyere Mumbere on the right, during community consultations on willingness to pay for water service. Goma, North Kivu, DRC
USAID’s Sustainable Water and Sanitation Systems Activity/Mercy Corps.
25 Juillet 2023

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Introduction

A Kavumu et Katana, 101 221 personnes n’ont pas un accès amélioré à l'eau, d’après les résultats de l’étude de base publiée en octobre 2022, dans le cadre de mise en oeuvre de l’Activité des systèmes d’eau et d'assainissement durables de l’USAID. Ce chiffre représente 41% de la population de Kavumu et Katana souhaitant s'approvisionner auprès des fournisseurs de services d'eau potable, mais la capacité de ces derniers et les difficultés rencontrées lors de l’approvisionnement (peu de points d'eau, temps d’attente long, ou fonctionnalité) sont des facteurs qui démotivent.

L’étude de marché conduite en 2022 a estimé que les fournisseurs de services d'eau dotés de meilleures capacités de gestion collaborative atteignent de meilleures performances financières. Les approches locales actuelles utilisées pour la fourniture et la maintenance des services d'eau sont principalement basées sur des groupes communautaires volontaires appelés Comités de gestion de l'eau potable (COGEP), qui sont des entités informelles pour la plupart, et qui ont la charge de la gestion des points d'eau (gestion de la clientèle, de la trésorerie, de la maintenance, des plaidoyers et de la redevabilité communautaire).

Contexte de l’apprentissage

A group of young people talking about their perception of the quality of and access to water services, whether subsidized or not. goma, north kivu, drc.
USAID’s Sustainable Water and Sanitation Systems Activity/Mercy Corps.

La RDC a mis en vigueur la Loi n° 15/026 du 31 décembre 2015 relative à l’eau, qui confère un pouvoir supplémentaire aux Provinces et Entité Territoriale Décentralisée (ETD) dans l’administration des ressources hydrauliques. Cette Loi oblige les COGEP de se formaliser et  collaborer avec les ETD, qui sont les principaux régulateurs des questions d'eau au niveau local. Malgré la volonté de ces deux acteurs de remplir leurs devoirs et obligations de collaborations prévus par la loi, de nombreux défis empiètent sur leur chemin, tels que les capacités organisationnelles faibles, les connaissances limitées des dispositions de la loi sur l’eau. Par ailleurs, l'étude de marché cité ci-haut a montré qu'une bonne performance de la gestion implique que les COGEP renforcent leur collaboration et leur redevabilité envers les membres de la communauté.

Pour pallier à certains des défis mentionnés, l'Activité des systèmes d’eau et d’assainissement durable de l'USAID développe le marché et la gouvernance de l’eau en collaboration avec les ETD, les provinces et les COGEP dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu en RDC. Son approche holistique comprend la recherche pour améliorer la compréhension de l'impact et de l'extensibilité des secteurs de l'eau et de l'assainissement, l'amélioration de l'environnement favorable à la fourniture de services d'eau et d'assainissement, et la démonstration du potentiel de marché de la fourniture de services d'eau et d'assainissement économiquement durables.

Ce document capture ainsi certaines meilleures pratiques et leçons apprises issues du soutien de l’Activité aux autorités locales et aux COGEPs.

Soutien aux COGEP

Les sources de revenus des COGEP sont les abonnements et les rares dons des généreux contributeurs au sein de la population (politiciens, riches commerçants, etc.). Leur capacité de recouvrement des abonnements, avec un taux de recouvrement d’environ 40% estimé par le programme FSP (Food Security Program, FSP, un programme de Mercy Corps qui visait à améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans le Sud-Kivu); qui est intervenu dans la même zone, est cependant trop bas pour maintenir et administrer les infrastructures. Par ailleurs, les COGEP ont estimé avoir bénéficié de rares soutiens techniques et financiers de la part des ONG telle que Mercy Corps à travers ses initiatives des années passées, et une quasi-absence des soutiens, de quelque nature que ce soit, de la part du gouvernement provincial et des autorités territoriales, selon les résultats de l’étude menée par la recherche.

Pour soutenir la fourniture à long terme des services d'eau dans le Nord et le Sud-Kivu, l’Activité de l’USAID facilite la mise en place des modèles contractuels spécifiques au contexte local, basés d’une part sur le marché, et d’autre part sur la performance

À Kavumu et Katana, les COGEP ont exprimé leur volonté de conserver leur statut. Pour maintenir l’approche de système de marché, l’équipe de l’Activité de l’USAID a introduit une option hybride dans laquelle plusieurs COGEP fusionnent pour former des entités légalement reconnues, appelé Association des Usagers d’Eau Potable (ASUREP), qui recruteront un opérateur pour exploiter et maintenir les ouvrages. Ainsi, en vertu  de la loi, des contrats de performance de gestion seront établis entre les ASUREP et l’ETD.

Se basant sur cette approche mentionnée ci-dessus, l'Activité de l'USAID a soutenu entre 2022 et 2023 la mise en place des unités de gestions viables par le regroupement et la légalisation en tant qu'ASUREP de 13 COGEP pour former 3 ASUREP à Kavumu-Katana. Ces soutiens incluent également des séries de formations sur la maîtrise d'ouvrage et le rôle des ETD dans la délégation de gestion, les consultations et des réunions d'harmonisation entre les gestionnaires des systèmes d'eau, afin de renforcer la capacité des entités dirigeantes à concevoir, gérer et mettre en œuvre des contrats et des processus de passation de marchés.

Soutien aux ETDs

Comme la plupart des autres Territoires de la RDC, l’ETD de Kabare éprouve d’énormes difficultés financières et techniques pour respecter les exigences de la loi sur l’eau, et parmi les raisons qui expliquent cela figurent la vulgarisation de la loi, les décrets d’application, la capacité technique et financière de l’ETD.  

En septembre 2021, l’Activité́ a conduit une évaluation organisationnelle participative de l’ETD de Kabare, qui a attribué à cette entité un score moyen de 2,26, sur un maximum de 4 points, après diagnostic de ses pratiques de ressources humaines, finance, gestion des initiatives, leadership, relations externes, administration, et logistique. L’évaluation de la capacité organisationnelle en septembre 2022 a fourni un score de 2,32. Selon les spécialistes de gouvernance de l’Activité, une note d’au moins 3,5 est nécessaire à l’ETD de Kabare pour efficacement aborder, concevoir et gérer des initiatives en lien avec l’eau.

Pour combler certaines lacunes organisationnelles, l’Activité́ a convié un expert national pour conduire des ateliers de conceptions de stratégies en lien avec le traitement des questions d’eau en premier lieu, qui a eu comme résultat la signature d’un arrêté de la chefferie portant la mise en place d’un Bureau d’Eau, en charge des questions d’eau, conformément à la loi, ainsi que la prise en compte d’un budget dédié au secteur de l’eau dans le budget de l’ETD. Enfin, entre 2021 et 2022 l’Activité a conduit 10 formations aux membres de l’ETD de Kabare pour combler d’autres lacunes techniques identifiées au diagnostic opérationnel. Les enquêtes semestrielles conduites par l’équipe de suivi et évaluation en septembre 2022 ont révélé́ que 75% des personnes formées ont pratiqué les comportements leur  enseignés au moins une fois. L’Activité de l’USAID anticipe que l’ETD va améliorer ses pratiques organisationnelles pour atteindre un score de l’OCI.

Perspectives des membres de la communauté 

Two people sitting next to each and smiling for the camera.
USAID’s Sustainable Water and Sanitation Systems Activity/Mercy Corps.

Pour capturer les meilleures pratiques et les leçons apprises, l’Activité a réalisé en mars 2023 une évaluation dans le territoire de Kabaré. Un des résultats de cette évaluation a été que les 67,6% des ménages ne sont pas satisfaits du rapport qualité prix de l’eau : les opérateurs des points d’eau ont fixé une moyenne de 3,000 Francs Congolais, tandis que le rapport nombre de fonctionnalité des bornes fontaines par rapport à la population et la capacité de maintenance des gestionnaires font que de nombreux points d'eau fonctionnent par intermittence (souvent de 4-10h et ensuite de 16-19h).

Bien que 62% de la population connaissent leurs droits basiques par rapport à l'eau (droit à l'eau de qualité, devoir de payer pour les services d'eau, etc.), 34% des hommes et 26% des femmes ont entendu parler de la loi sur l'eau sans pour autant comprendre le contenu, selon les résultats de l’enquête de base. Durant cette évaluation, moins de 10% des participants aux focus groups et les ménages savent expliquer de manière basique l'objectif et les obligations des utilisateurs, gestionnaires et régulateurs des services d'eau. Il est donc évident que les membres de la communauté ont besoin d’être sensibilisés sur la loi sur l’eau.

Quelques approches inclusives et collaboratives de l’ETD et des COGEPs

Les populations de Kavumu et Katana se sentent davantage entendues et incluses dans les discussions relatives à l'eau, en grande partie grâce aux participations de l'ETD aux forums publics villageois sur l'initiative de l'Activité. Par ailleurs, l’Activité a mobilisé le gouvernement provincial pour mener des visites régulières de supervision et de soutien technique à l’ETD de Kabare, qui ont permis de combler  également certaines lacunes organisationnelles et techniques.

Finalement, nous avons remarqué que les COGEP travaillent mieux ensemble grâce au soutien de l’Activité axé sur le Développement de Marché (MSD). Ils partagent leurs bonnes pratiques, souhaitent travailler ensemble et fusionner pour devenir une seule organisation légale afin de mieux répondre aux besoins des communautés de Kavumu et Katana, sous la supervision de l'ETD.

Principaux apprentissages

Les résultats de l'évaluation de recherche ont prouvé que la volonté de passer d'une source d'eau non potable à une source d'eau potable par les ménages est dépendante à l'amélioration des services et des prix de l'eau. 100% des usagers des sources non potables ont justifié leur choix par la difficulté d'accéder à l'eau potable (long temps d'attente, pression sur les points d'eau, qualité de l'eau, etc.).

Nous avons conclu aussi que les COGEP formels et informels sont fondamentalement guidés par une vision de concurrence et de revenus, et que l'approche de système de marché de l’Activité qui a consisté à soutenir les fournisseurs de service d’eau dans la gestion économique durable des services est complémentaire et nécessaire à l'approche de gouvernance qui soutient les ETD dans la facilitation de l'application de la loi sur l'eau. Les deux approches renforcent la transparence dans la gestion des services d'eau et soutiennent l'augmentation des utilisateurs aux services d'eau améliorés.

Enfin, nous avons appris que l'implication des membres de la communauté dans les réflexions et discussions relatives aux initiatives du secteur de l'eau de la province, du territoire ou de la municipalité, y compris les plus vulnérables, dépend positivement de la confiance des usagers aux fournisseurs de services et à l’utilisation des sources d'eau potable.

Nous avons conclu que grâce à l'Activité, l’ETD de Kabare gouverne et réglemente le secteur de l'eau de manière plus efficace et transparente, et que cela s’observe à travers certains progrès comme les pratiques d’administrations courantes et des acquis des formations,, à la création de Bureau d’Eau et à l'adoption d'un budget annuel de l'eau pour l’ETD de Kabare.

A propos des auteurs :

M. Christian Mulumba, Gestionnaire des Connaissances et Apprentissages, Activité des systèmes d’eau et d’assainissement durables de l’USAID, RDC, e-mail : cmulumba@mercycorps.org

Mme. Guillaine Ushindi Karoti, Gestionnaire de Recherche, Activité des systèmes d’eau et d’assainissement durables de l’USAID, RDC, e-mail : gushindi@mercycorps.org