Kabare : Des communautés engagées pour la durabilité du secteur de l’eau
La République Démocratique du Congo a connu des décennies de conflits et d’autres crises. En réponse, les organisations humanitaires et de développement ont élaboré des programmes pour soutenir le développement local afin de bâtir des communautés résilientes. Dans le secteur de l’eau, au Nord-Kivu et Sud-Kivu, divers types d’infrastructures ont été construits, tels que des forages, des sources, des réservoirs, des réseaux de distribution d’eau et des bornes-fontaines publiques. Une fois terminées, ces infrastructures étaient généralement confiées à des structures communautaires nouvellement formées ou existantes appelées comités de gestion d’eau potable (COGEP). Avec le temps, les COGEP ont acquis une certaine expérience, qui a permis à leurs animateurs de fournir des services de gestion, de distribution et de maintenance de réseaux d’eau potable.
Cependant, malgré cela, ces structures ont souvent du mal à fournir une eau de qualité, à garantir la disponibilité de l'eau et à entretenir le réseau d'eau au fil du temps, en raison des difficultés liées à la collecte de recettes suffisantes pour couvrir les coûts du cycle de vie à long terme de l'exploitation et de l'entretien du réseau. En plus de cela, la RDC est un pays qui détient 50% des réserves d’eau de l’Afrique, mais dans les zones rurales, 33 millions de personnes n’ont pas accès à une eau de qualité (Unicef).
Le chargé du secteur de l’eau de la chefferie de Kabare, au Sud-Kivu, Me Eric Byamungu Babunga, explique qu'il est difficile que le réseau géré par le COGEP génère des fonds qui lui permettent de se prendre en charge lorsque des pannes se présentent : “Cela fait qu’au bout de 2 ans, 5 ans, les infrastructures installées disparaissent ou présentent de grandes difficultés de fonctionnement” insiste-t-il.
A l’occasion du 22 mars, la journée mondiale de l’eau, célébrée cette année sous le thème “Accélérer le changement”, le monde se réunit à la conférence des Nations Unies sur l’eau 2023, pour “décrocher plus d'engagements, de promesses et d'actions clairs, et contribuer ainsi à la réalisation des actions sur l'eau dans le programme de développement durable à l'horizon 2030”. L’Activité de système d’eau et d’assainissement durables de l’USAID utilisent “des approches innovantes qui sortent du statu quo”, afin d’accélérer les changements dans ce secteur au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. L’une de ces approches consiste à rassembler plusieurs COGEP pour en faire une association des usagers de réseau d’eau potable, ou ASUREP, une approche qui a débuté à Kinshasa, en RDC, en 2009 et qui a été déployée avec un certain succès dans tout le pays. Les ASUREP seront dotées d’une personnalité juridique les permettant de contracter avec la chefferie, comme prestataire des services d’eau en milieux ruraux. Grâce à ce nouveau statut, la relation entre les ASUREP, les maîtres d’ouvrage et la communauté sera basée sur la redevabilité dans la gestion
“Les comités d’eau qui ont travaillé depuis longtemps dans l’informel et sans statut juridique ne pouvaient pas signer des contrats avec la chefferie de Kabare qui est maître d’ouvrage. Et par conséquent, n’avaient pas de compte à rendre ni à la chefferie encore moins à la communauté. Cette situation a constitué un des facteurs le plus grave, n’ayant pas favorisé l’accès durable à l'eau”. Explique le Directeur de l’Activité de l’USAID, Gertjan Leereveld, ajoutant qu’à Kavumu et Katana, dans le territoire de Kabare au Sud-Kivu,“l’Activité de l’USAID a lancé un processus innovant pour améliorer la manière dont le secteur de l’eau est géré au niveau local. ”
La démarche qu’accompagne l’Activité de l’USAID rencontre non seulement la vision des objectifs de développement durables mais aussi de la RDC, qui, depuis 2015 a promulgué la loi sur l’eau dicte le schéma de gestion efficient et valorise cette denrée vitale, qui est une ressource économique et un bien social. “Pour développer un système de gestion efficace, nous avons pensé qu’il est temps et important que les COGEP s’alignent sur les prescrits de la loi, en devenant des ASUREP” affirme le président du COGEP d’Ihimbi Kadjuchu, Mr Polepole Muganda Jules.
Perçue dans la communauté comme une “très belle opportunité pour un secteur de l’eau prospère”, cette loi oblige les maîtres d’ouvrage qui sont des Entités territoriales décentralisées (ETD) en milieux ruraux ; d’assurer la gestion durable et permanente des réseaux d’eau. Elle précise que tous les ouvrages d’eau appartiennent aux ETD, mais que celles-ci ne sont pas autorisées à les gérer. D’où, la nécessité de signer des contrats avec des prestataires de service reconnus légalement.
Ce processus de changement est rendu possible grâce au soutien du peuple américain, à travers l’Activité des systèmes d’eau et d’assainissement durables de l’USAID, implémentée par un consortium d’organisations avec Mercy Corps en chef de file. Depuis septembre 2022, 13 COGEP participent activement à ce processus de transformation, pour former cinq ASUREP, grâce aux formations et à la vulgarisation de la loi sur l’eau assurées par le consortium, ainsi que des rencontres d’échanges tenues régulièrement dans la communauté.
Le processus de légalisation de COGEP en ASUREP expliqué dans la vidéo ci-dessous :